04 - Aquaria - Les dernières heures d'un espion
- par Max Heindel

Récit d'un passage

  


   "Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que votre philosophie ne peut l'imaginer."

   Il était là assis dans le jardin dévasté d'un ancien monastère, regardant ce mélange de fleurs et de mauvaises herbes, fruit de soins et de négligence; ces dernières semblaient prendre le dessus depuis que la guerre avait décimé les premiers propriétaires, car les soldats qui y campaient maintenant n'avaient pas le temps de s'occuper des fleurs.

   Il n'était pas des leurs; c'était un prisonnier, un espion. Attrapé avec des papiers importants, il avait été condamné à être fusillé et attendait maintenant le peloton d'exécution qui devait mettre fin à tout.

   Mais cela serait-il vraiment une fin? Quelle question stupide! On l'avait éduqué à croire à une après-vie, mais sitôt après être entré à l'Université il adopta les vues courantes qui sont celles de l'esprit scientifique de cette institution. La critique, très vive, avait démontré l'erreur de la Bible. Dans la salle de dissection, la machinerie mécanique du corps était rendue claire, la chimie pouvait expliquer l'action et la réaction de l'organisme. La psychologie offrait une solution amplement satisfaisante des merveilles de l'intellect; en bref, il était démontré que l'homme était une machine qui se meut, qui pense et qui est même capable de se perpétuer par la progéniture, qui poursuivait le travail lorsque la machine parentale était usée et enfouie sous un monceau de terre au cimetière. Souverain ou sujet, maître ou serviteur, saint ou pécheur, tous n'étant que des ombres sur l'écran du Temps.

   Mais d'une façon ou d'une autre, il n'était sûr de rien, car la guerre l'avait mis face au meurtre en masse. Il avait vu mourir des centaines de soldats sur les champs de bataille, dans les tranchées et dans les hôpitaux, et qui avaient une conviction absolue dans la vie après la mort: c'était du moins troublant. Disaient-ils vrai quand ils affirmaient avoir vu des "Anges" à la fois sur le champ de bataille et sur leur lit de mort? Peuh, c'était une hallucination due à la tension de la situation. Pourtant beaucoup avaient vu ces choses, des camarades comme le Lieutenant K et le Capitaine Y, équilibrés et calmes; le capitaine n'avait jamais plus poussé de juron après ce jour à la Marne; plus que cela il portait un livre de prière et avait fait presque un sermon à un sergent connu pour sa langue venimeuse. Et il y en avait d'autres.

   Mais bientôt, il saura; à 5 heures, il doit faire face au peloton d'exécution.

   Il alla dans la pièce où il avait dormi la nuit dernière. Le garde qui était à la porte, lorsqu'il était dehors, le suivait, fusil en main, et le surveillait pendant qu'il se jetait sur un rude lit de camp. Il leva son regard et aperçut une copie du célèbre tableau de Léonard de Vinci "La Dernière Cène." Il n'avait jamais aimé particulièrement l'art, mais, à ce moment, quelque chose semblait l'attirer vers le Christ. Il avait été sans nul doute d'un noble caractère, martyrisé pour une cause, et ce portrait de Son dernier repas amena chez l'homme sur le lit de camp, une certaine analogie avec lui, car il avait également pris part à la générosité de la terre pour la dernière fois.

   Puis il lui vint à la mémoire l'histoire dans laquelle Léonard de Vinci avait demandé à un ami de critiquer son tableau, une fois achevé, et l'ami lui avait fait remarquer l'inconvenance des riches gobelets dans lesquels buvaient les apôtres. Léonard de Vinci passa sa brosse sur les gobelets et soupira; il avait mis tout son coeur et toute son âme à peindre le visage du Sauveur, et avait espéré que ce visage glorieux attirerait l'attention du spectacteur et effacerait toute autre chose; à la place de cela, un détail parmi les plus insignifiants avait attiré l'oeil de son ami, à l'exclusion totale du Seigneur de Gloire.

   "Est-ce aussi mon cas" pensa-t-il, étendu sur le lit de camp. Me suis-je fixé sur les choses insignifiantes de la vie. J'ai vu la mort trop souvent pour la redouter, maintenant que mon tour est arrivé, et il y a tant de choses à faire dans ce monde, on ne veut pas penser à l'oubli.

   Christ a dit: "Il n'y a qu'une chose qui compte," et s'Il avait raison, alors j'ai été comme l'ami de Léonard de Vinci, mon attention a été rivée sur les choses non essentielles. Au lieu de chercher les choses éternelles, j'ai consacré tout mon temps aux tâches temporelles.

   "Eh bien, à quoi bon gémir, si je continue, mes genoux pourraient commencer à trembler à l'apparition du peloton d'exécution."

   Il se leva et, suivi par le garde, retourna au jardin où il fut attiré par un vieux cadran solaire. Il lut l'inscription: Oro non numero nisi serenas -"je ne compte que les heures ensoleillées"-(même jeu de mots en anglais).

   "Quelle belle devise, oublier toutes les choses sordides et 'petites' de la vie et ne reconnaître que ce qui est bien, ce qui est vrai, ce qui est beau." Considérant sa vie, maintenant qu'elle est proche de la fin, combien a-t-il été proche de cette devise? La conscience le contraint à confesser qu'il n'avait pas atteint la perfection.

   Maintenant c'était trop tard. Perdu dans la contemplation, ses yeux s'accrochèrent à l'ombre sur le cadran. Il y avait quelque chose d'étrange dans la progression silencieuse vers les 5 heures fatidiques où le peloton d'exécution devait apparaître.

   Il ne se tracassait pas de la mort, mais il avait commencé à se débattre sur le problème de la Vie et il lui vint un désir irrésistible de lui trouver une solution. Mais il y avait cette ombre sur le cadran, ce "rien intangible" progressant de plus en plus avec une vigueur lente, mais fatidique. Oh, puisse-t-il avoir la chance de trouver la lumière sur le problème de la vie!

   Il était de coutume d'exécuter les condamnés sous la loi martiale au lever du soleil, mais il avait été avisé poliment que la division qui le détenait prisonnier, devait faire mouvement et que tout délai était inopportun: on lui avait donc demandé de faire face au peloton d'exécution au coucher du soleil. Sur le moment il avait répondu par un acquiescement et un haussement d'épaules. Quelle importance. Que ce soit plus tôt, ou plus tard, il serait prêt. Maintenant, il commencait à convoiter ces heures pour qu'il puisse enfin trouver une explication intelligente de la vie.

   Lorsqu'il se retourna, l'évolution silencieuse de l'ombre de la mort sur le cadran semblait plus éloquente que n'importe quel sermon sur la rapidité de la vie et l'inexorable certitude de la mort.

   De nouveau il s'étendit sur le lit de camp pour penser à ce problème de l'existence. Dans moins d'une demi-heure il saura tout ou rien; soit qu'il serait anéanti aussitôt que la lumière de la vie sera éteinte par la balle qui, inévitablement frappera son coeur, soit qu'il serait un Esprit libre. Tout dépendait de laquelle de ces deux théories était la vraie, un sentiment de suspense devenait de plus en plus intense à chaque instant, le désir de vivre était si intense qu'il devenait manifestement douloureux. De toutes les personnes qui ont professé leur foi dans l'immortalité de l'âme, aucune n'a jamais semblé savoir; toutes, elles croyaient - toutes, sauf une.

   Et, il lui vint tout à coup à la mémoire le souvenir d'avoir rencontré un homme d'une personnalité étrange et fascinante dans une station balnéaire où il était allé se reposer à une période où ses nerfs étaient surmenés par l'étude ardue d'un sujet scientifique. Cet homme calme, raffiné et sans prétention, l'avait attiré dès le début et à une occasion lorsque la conversation dériva sur les théories de la vie, il avait adopté un point de vue matérialiste, alors que l'étranger l'avait confronté avec un nombre d'arguments apparemment irréfutables. Et ce n'était pas la force de l'argument qui le frappait maintenant, mais bien le souvenir de la voix d'autorité, la façon et le comportement de celui qui savait de quoi il parlait, qui avait fait impression sur lui et le remplissait maintenant d'une question d'intensité brûlante.

   "L'étranger savait-il vraiment et réellement?"

   Il avait parlé de personnes qui quittent leur corps à volonté, tout comme nous quittons nos vêtements au moment de prendre un bain, ainsi, avait-il dit, font de même ceux qui entrent dans certains mondes invisibles.

   Il l'avait appelé "Le Pays des Morts Vivants" et il avait prétendu que les soi-disant morts fonctionnent ici dans un corps subtil en possession de toutes leurs facultés avec une connaissance et une mémoire totales des conditions qui ont existé autour d'eux lorsqu'ils étaient dans cette vie. Oh, si cet étranger pouvait être ici maintenant et qu'il puisse parler avec lui, et apprendre davantage sur ce sujet qui avait pris maintenant tant d'importance.

   Mais qu'est-ce que c'était qui apparaissait dans le coin? Etait-ce l'étranger, cette forme nuageuse et brumeuse dans ce coin sombre, là-bas? Et maintenant il lui sembla entendre une voix: "Je vous rencontrerai lorsque vous sortirez de votre corps." Puis la silhouette disparut.

   Peuh! cela devait être une création de son imagination, une hallucination de son cerveau embrouillé, pensa-t-il. Le désir lui avait fait voir des choses qui n'existaient pas; il ne devait plus spéculer davantage. De nouveau, il alla au jardin pour observer le cadran solaire au fur et à mesure que son ombre progressait vers les cinq heures fatidiques.

   C'est là qu'ils le trouvèrent; avec un sourire éclatant aux lèvres, il accueillit l'officier du peloton d'exécution et lui demanda de lui épargner le geste ignominieux de lui bander les yeux. Ils se dirigèrent ensemble vers le mur à l'autre bout du jardin où il se retourna et fit face au peloton d'exécution, alors que l'officier s'arrêtait à une extrémité et donnait rapidement l'ordre de tirer la balle qui perça son coeur.

   Il entendit la détonation des fusils et éprouva une sensation de douleur comme si un fer chauffé à blanc lui avait brûlé l'âme. Puis une forte tension violente et, involontairement, sa main chercha son coeur-mais comme c'est étrange! Avant qu'il ait atteint sa poitrine, la douleur avait disparu, et rapidement il remit sa main sur le côté - il ne devait pas laisser croire aux ennemis de son pays qu'il était un poltron.

   De nouveau, il tourna son attention vers le peloton d'exécution, s'attendant à ressentir l'impact des balles qu'il avait déjà ressenti par anticipation car, en aucune manière, il ne pouvait expliquer le choc et la douleur ressentis dans son coeur.

   Mais qu'est-ce que cela signifie? Le peloton d'exécution était au garde à vous et l'officier s'éloignait de lui pour faire sortir les hommes.

   "Avaient-ils tiré à blanc?" Non, c'était impensable. Il examina son vêtement et découvrit trois trous dans sa veste juste au-dessus du coeur. Il enfonça son doigt dans l'un d'eux aussi loin qu'il pouvait aller et le retira s'étonnant de l'absence de douleur et de sang. De toute évidence, il avait été frappé par trois balles, et selon tous les critères d'expérience il aurait dû tomber comme une masse, mort sur le coup, alors qu'il était plus vivant qu'il ne l'a jamais ressenti lui-même. Comment cela pouvait-il être?

   Impulsivement, il courut après l'officier qui s'éloignait, l'attrapant par le bras pour lui demander une explication, mais l'officier semblait ne tenir aucun compte de la main qui le retenait, ni de la question posée, et continua à se diriger vers les hommes comme s'il n'avait rien ressenti, ni entendu.

   "Suis-je en train de rêver, suis-je fou, ou quoi?"

   "Ni l'un, ni l'autre, mon ami," répondit une voix près de lui, et lorsqu'il se retourna il aperçut l'homme étrange - "Rosicrucien," comme il s'était appelé lui-même. Avec un sentiment intense de soulagement, l'espion se tourna vers lui, peut-être pouvait-il jeter la lumière sur cette expérience faite de perplexité.

   "Mais comment êtes-vous là? Je ne vous ai pas vu entrer avec le peloton d'exécution."

   "Vos yeux n'étaient pas encore accordés à la vibration de l'Esprit; vous étiez encore aveuglé par le voile de la chair" fut la réponse, mais elle n'apporta aucun éclaircissement à l'espion et il commença à douter du bon sens de son compagnon.

   "Je vois que vous ne comprenez pas et que ma réponse ne fait qu'ajouter a votre perplexité" poursuivit l'étranger: "Vous ne réalisez pas que vous êtes mort."

   "Mort! Vous devez sûrement être fou. Comment puis-je être mort, alors que je suis ici debout et entrain de vous parler," répondit l'espion encore plus perplexe que jamais.

   "Je ne me suis pas bien exprimé," j'aurais dû dire "votre corps est mort" répondit le Rosicrucien.

   Mais l'espion le regarda avec le plus grand désespoir; cela devenait de plus en plus inquiétant; c'était lui ou cet homme qui était fou, ou tous les deux.

   "Mon corps est mort!" Mais comment pouvez-vous dire une chose pareille. Ne suis je pas ici, bougeant mes lèvres et vous parlant. Je peux bouger mes membres et marcher aussi bien que vous, bien que, je l'avoue, je sois incapable de savoir comment je suis vivant avec trois balles dans le coeur."

   "Je vois votre embarras, mon ami, et je vous expliquerai tout à l'heure, mais d'abord venez avec moi jusqu'à l'endroit où vous vous teniez face au peloton d'exécution; il s'y trouve quelque chose qui vous intéressera."

   lls se dirigèrent vers les lieux.

   "Regardez là parmi les fleurs, mon ami," dit le Rosicrucien.

   Et suivant le regard de l'étranger, l'espion aperçut, caché par les hautes herbes et les fleurs qui poussaient touffues dans le jardin, ce qui lui paraissait être son corps, étendu face au sol. Il se pencha et chercha à retourner la forme affaissée, pour arriver à résoudre cet impossible dilemne, mais c'était perplexité sur perplexité, sans fin, car lorsqu'il saisit la forme inerte par l'épaule pour la soulever, sa main passait à travers, comme si cette forme était composée d'air léger et non de chair et de sang.

   De nouveau il se redressa et se tourna vers son compagnon.

   "Pour l'amour de Dieu, démêlez-moi cet imbroglio, car si je ne suis pas déjà fou, je sens que je vais le devenir d'une minute à l'autre."

   "Patience, mon ami," répondit le Rosicrucien, tout va bien et je vous tranquilliserai dans quelques instants, voici ce qui est arrivé:

   "Lorsque le peloton d'exécution a tiré les trois coups fatidiques, trois des balles ont percé votre coeur avec un tel effet mortel que vous n'avez ressenti la douleur que durant une fraction de seconde, avant que le corps éthérique que vous utilisez maintenant ne soit libéré du corps physique, qui est alors tombé sur sa face. Désormais ce corps éthérique vous servira aussi bien, si ce n'est mieux, que le corps physique dense que vous avez abandonné au moment de la mort."

   "Le corps éthérique," balbutia l'espion, encore incapable de le suivre.

   "Oui, mon ami, est-il si étrange qu'un homme ait un corps éthérique? La science avance l'hypothèse que toutes les choses, depuis le minéral le plus dense jusqu'au gaz le plus rare, sont imprégnées d'éther, et son hypothèse est juste. Le corps humain ne fait pas exception à la règle, il est également interpénétré d'éther. Lorsque celui-ci s'échappe, la mort survient, comme l'a démontré le Dr McDougall de l'Hôpital Général de Boston, il y a de nombreuses années, lorsqu'il a mis des personnes sur le point de mourir sur une balance qui, invariablement, indiquait une baisse de poids au moment de l'expiration.

   "Ce que les médecins et les scientifiques ne savent pas, c'est que cet éther continue à retenir la forme et la similitude du corps dense mort, et demeure la maison de l'Esprit éternel, bien qu'invisible à ceux qui sont encore dans un corps physique."

   Une grande lumière et un soulagement intense se répandirent sur le visage de l'espion. "Mais comment l'éther est-il sorti de mes vêtements, car je porte le même vêtement que le corps mort, et comment les perforations des balles se sont elles reproduites dans mon vêtement?"

   "C'est une astuce du mental subconscient, mon ami," répondit le Rosicrucien. "Bien que vous n'étiez pas conscient du dégât fait à votre corps, le fait exact a été enregistré, lorsque vous avez poussé votre dernier soupir, sur le petit atome qui se trouve dans votre coeur, car chaque respiration dans les poumons contient de l'éther qui enregistre une image de tout ce qui vous environne, selon le même principe que l'éther fixe l'image sur la plaque sensible de la caméra. L'éther pénètre le courant sanguin qui le transporte au coeur. Là, l'atome-germe correspond au film photographique, chaque respiration successive reproduisant une image nouvelle et c'est ainsi que s'imprime sur ce petit atome une série d'images depuis le berceau jusqu'à la tombe. Ceci façonne notre destinée après la mort et constitue la base occulte du proverbe: "l'homme est ce qu'il pense en son coeur." Lorsque les soi-disant "morts" sortent de leur corps, l'éther forme leur vêtement; il reproduit avec une fidélité absolue les particularités physiques selon le modèle de la dernière image figurant sur l'atome-germe, que l'homme emporte comme arbitre de sa vie dans les mondes spirituels.

   L'espion demeura silencieux et se perdit en pensées pendant un moment, examinant l'explication, du Rosicrucien sous tous les angles. Elle lui paraissait parfaitement plausible, fondée, logique, et en accord avec les découvertes connues de la science; pas plus qu'il ne lui paraissait invraisemblable que l'atome-germe dont parlait le Rosicrucien soit extrêmement minuscule. Cet atome-germe ne reflétait-il pas les nombreuses et astucieuses facettes dont chacune était une image de son environnement, et le microscope n'avait-il pas ouvert au monde la vision des petites choses? Qui oserait tracer la limite?

   "Mais dois-je toujours continuer avec ces trous dans mes vêtements et ces blessures dans ma poitrine, ou bien guériront-elles, et pourrai-je avoir un autre vêtement?"

   "Rien de plus facile, mon ami; comme je vous l'ai dit, ici, au Pays des Morts Vivants, il y a une loi qui dit que l'homme est ce qu'il pense en son coeur. Les pauvres camarades qui sont tombés par milliers sur les champs de bataille, horriblement mutilés, au début de la guerre, étaient terriblement désespérés de leur état, jusqu'à ce que nous leur ayons appris à se visualiser comme ils étaient avant de partir en guerre, c'est-à-dire robustes et sains. Ce fut tout un travail de leur faire admettre que c'était tout ce qu'il fallait pour recouvrer la santé, et ce fut un travail lent, car il y avait tant de personnes à aider, et nous étions si peu nombreux. Mais petit à petit ils furent convaincus et aptes à aider par la suite les victimes de la guerre, de sorte qu'actuellement il y a des milliers d'aides prêts à soigner et à aider les milliers de personnes qui sont tuées.

   "Ah, vous êtes un élève habile; je vois que vous avez réparé votre vêtement et soigné vos blessures."

   "Oui, répondit l'espion, et je vous en remercie. Je ne vous serais jamais assez reconnaissant pour le soulagement que vous m'avez apporté. Mais j'ai une autre question qui m'embarrasse. Comment se fait il que mon corps semblait se composer d'air léger et que mes mains passaient à travers lui? Je sais qu'il est solide."

   "Eh oui, c'est amusant! les personnes dans le monde physique croient que les soi-disant fantômes sont faits de matière intangible, transparente, comme une volute de fumée. Elles considèrent leur propre corps aussi solide qu'une pierre. Mais une fois qu'elles sont passées au-delà du voile, au Pays des Morts Vivants, elles sont choquées de voir que des personnes, encore dans la chair, nous sont aussi immatérielles que nous le sommes pour elles, et qu'il est aussi facile pour nous d'enfoncer notre bras à travers elles, qu'il en est pour elles de marcher à travers nous. En fait, elles nous paraissent comme des fantômes, comme nous le paraissons pour elles

   "Vous êtes maintenant un citoyen du Pays des Morts Vivants. Venez, partons d'ici et voyons ce qu'il y a à faire. Mais d'abord, y a-t-il une personne à qui vous aimeriez parler, car durant les prochaines heures votre corps spirituel sera plus dense qu'à n'importe quel autre moment de votre carrière post mortem, et il vous sera par conséquent plus facile de vous manifester à vos amis à ce moment qu'à n'importe quel autre."

   "J'ai une soeur, mais elle se trouve dans la ville de X qui se trouve à 8 ou 9000 km de là. Il n'y a personne auprès d'elle qui pourrait s'en soucier."

   "La distance n'est pas un obstacle pour l'esprit," dit le Rosicrucien. Imaginez-vous là-bas et nous serons dans la maison de votre soeur dans deux minutes," et ils se mirent à flotter ensemble, et la vitesse ne paraissait pas extraordinaire à l'espion lorsqu'il passait au-dessus des villes et des villages, les uns après les autres. Il lui sembla avoir largement le temps de noter les divers détails du pays, l'architecture des maisons, l'habillement des gens, etc. Alors qu'il passait au-dessus d'une grande étendue d'eau, il remarqua des bateaux avec des équipages et des passagers, engagés dans leurs différentes tâches ou poursuivant leur croisière. En fait, le temps ne paraissait ni long, ni court; il lui semblait que le temps n'existait pas et il s'émerveilla de prendre les choses aussi naturellement, comme s'il avait toute sa vie flotté dans l'air et vu les choses qu'il observe maintenant.

   Une chose cependant lui paraissait étrange et l'intriguait en quelque sorte; l'air semblait peuplé de formes Esprit qui flottaient tout comme lui et le Rosicrucien. Au début, il essaya de les éviter, mais s'aperçut que c'était impossible; il s'attendait à une collision, lorsque, à sa surprise, il s'apercut que les autres flottaient directement à travers lui et son compagnon, comme s'ils n'existaient pas. Ceci le remplit de consternation et d'étonnement jusqu'à ce que le Rosicrucien ayant remarqué son dilemne, sourit d'une manière rassurante et lui demanda de ne pas s'inquiéter, lui expliquant que c'était la coutume au Pays des Morts Vivants, car là, toutes les formes sont si plastiques qu'elles s'interpénètrent avec facilité et il ne court pas le risque de perdre son identité.

   Arrivés à la maison de sa soeur, ils la trouvèrent assise dans un confortable salon. Spontanément, l'espion se jeta sur elle et l'embrassa, pour s'apercevoir qu'elle était absolument inconsciente de sa présence, et que ses mains, au lieu d'étreindre son corps, passaient directement à travers elle.

   De nouveau, il se tourna vers le Rosicrucien et lui demanda ce qu'il devait faire pour faire sentir sa présence. "Mettez-vous dans ce coin-ci où la lumière est faible, car les vibrations éthériques de la lumière sont plus fortes que celles que vous pouvez provoquer. Puis, faites clair dans votre mental le message que vous voulez lui envoyer, et pensez-le avec toute l'intensité dont vous êtes capable. C'est l'intensité de votre pensée, avant de faire face au peloton d'exécution, qui est venue vers moi, dans ma maison, et qui m'a fait quitter mon corps physique, pour un moment, afin de venir vous voir et vous aider dans votre heure de transition. Si vous pouvez penser avec la même intensité le message que vous voulez envoyer à votre soeur, elle le recevra et ses yeux se dirigeront vers vous."

   Ayant ainsi été informé, l'espion formula le message: "J'ai été fusillé, je suis au Pays des Morts Vivants; je suis passé au-delà du voile." Fixant le regard sur sa soeur, il se tint là immobile, réitérant ce message durant plusieurs minutes. Soudainement, les yeux de sa soeur cherchèrent le coin où il se tenait debout et, apercevant son frère, elle se mit à trembler de tous ses membres et tomba évanouie sur le sol. Immédiatement l'espion se précipita pour la soulever, lorsqu'avec un cri de joie, elle se jeta dans ses bras.

   "Oh comment es-tu venu, Bob? Il y a seulement quelques jours j'avais reçu une lettre disant que tu quittais une dangereuse mission, et maintenant tu es là. Que s'est-il passé?"

   De nouveau une profonde stupeur se répandit sur le visage de l'espion; il avait vu sa soeur tomber et, là, elle est debout ! Etait-elle morte, elle aussi?

   "Non," expliqua le Rosicrucien, car il s'avança et se présenta comme étant l'ami de Bob."Non, elle n'est pas morte; elle s'est simplement évanouie, et elle devra retourner dans son corps. Il est là, étendu sur le sol, tout comme était votre corps, après avoir été fusillé. Elle ne se souviendra probablement pas de vous avoir parlé maintenant, pas plus qu'elle ne saura que vous êtes au Pays des Morts Vivants, mais elle aura simplement l'impression qu'elle a vu votre fantôme et que quelque chose vous est arrivé; à moins que vous ayez réussi à l'imprégner suffisamment de votre message disant que vous êtes passé au-delà du voile et que maintenant vous êtes au Pays des Morts Vivants. Cependant, chaque soir lorsqu'elle ira se coucher, vous aurez la même chance que vous avez maintenant de lui parler, car lorsque nous sommes endormis, nous nous trouvons réellement dans le même lieu que ceux que le monde appelle les 'morts.'"

   A ce moment-là, la soeur de l'espion sembla s'endormir et fut irrésistiblement attirée vers le corps étendu sur le sol. L'espion la vit graduellement se fondre complètement dans cette forme, qui commença alors à gémir et à bouger.

   "Venez, partons," dit le Rosicrucien. "Pendant que vous lui parliez, j'ai travaillé sur son corps et j'ai fait tout ce qui était possible pour faciliter son retour à la conscience. Nous ne pouvons rien faire de plus pour elle, venez, partons d'ici."

  


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